
Pour Seul Bagage ? Vos papiers svp 🥸
• Titre original : 트렁크 (The Trunk)
• Adaptation de la nouvelle
트렁크, de Kim Ryeo-ryeong (2015)
• Genre/thème : drame, intrigue, romance
• Année de diffusion : 2024
• Chaîne : Netflix
• Nombre d’épisodes : 8
• Acteurs principaux : Seo Hyun-jin, Gong Yoo, Jung Yun-ha
J’ai eu un peu de mal à commencer ce drama, et je m’y suis reprise à deux fois avant de vraiment réussir à plonger dedans. Je vous explique. Et attention, il y a quelques spoilers (mais modérés tout de même).
Une petite table des matières pour vous guider, ça ne peut pas faire de mal :
- De quoi ça cause ?
- Et le bagage dans l’histoire ?
- Et pourquoi t’y es-tu reprise à deux fois pour finir ce drama ?
- Un drama sans le k
- « The Trunk », la nouvelle
- Alors, on regarde ou pas ?
De quoi ça cause ?
No In-ji est une épouse contractuelle. Employée de l’entreprise NM (New Marriage) qui arrange discrètement des mariages, une fois son dernier contrat terminé, elle se retrouve en couple avec Han Jeong-won, un producteur de musique esseulé et richissime. Sauf que cette fois-ci, son mari n’est pas un homme qui cherche une compagnie pour sa fin de vie, ou qui souhaite se conformer aux normes sociales. Non, Han Jeong-won est contraint de recourir à un mariage arrangé, car c’est une condition imposée par son ex-femme. Voilà, déjà, rien que là, on se dit que c’est compliqué. Et on a raison ! L’ex-femme en question cherche à mettre à l’épreuve son ex-mari : s’il réussit à aller au bout de ce « faux » mariage d’un an, alors ils pourront se remettre ensemble.

Mais c’est super tordu !
Oui ! Complètement ! Et là vous me demanderez : mais pourquoi elle lui impose ça ?!
Allez-y, c’est à vous.
Mais pourquoi elle lui impose ça ?!
Splendide. Vous êtes merveilleux.
Eh bien déjà, Lee Seo-yeon le dit elle-même : elle obtient toujours ce qu’elle veut. Or ce qu’elle veut, c’est punir Han Jeong-won.

En effet, quand ils étaient ensemble, Lee Seo-yeon est tombée enceinte. Déjà extrêmement mal à l’aise à l’idée d’être mère, elle s’est retrouvée au cœur d’un terrible accident, mettant sa vie en danger, mais aussi celle du bébé. A l’hôpital, à la question des médecins : « qui doit-on sauver en priorité ? », un Han Jeong-won en panique a répondu : « le bébé ». Et ça, Lee Seo-yeon, qui a finalement survécu contrairement à son bébé, l’a très mal pris. Bon. On peut comprendre. Han Jeong-won se justifie par la suite en expliquant qu’il voulait désespérément être père, pour contrer d’une certaine manière les mauvais traitements infligés par son père à lui (oui, parce qu’il a eu une enfance assez terrible et traumatisante, il faut le dire), mais ça n’est pas passé. Et c’est vrai que c’est un peu rude quand même. A la suite de cet événement, le couple s’est désintégré, jusqu’au divorce. Han Jeong-won, toujours éperdument amoureux de sa femme, accepte donc la condition imposée par Lee Seo-yeon et contracte ce mariage arrangé. Lee Seo-yeon, de son côté, se marie également avec un mari rencontré via l’agence NM.
A vrai dire, je n’ai pas compris exactement pourquoi elle imposait cette condition, mais ce qui est évident, c’est qu’elle va chercher à garder un contrôle sur son ex-mari, tout en feignant un éloignement. Elle ne veut pas être avec lui, mais ne veut pas le lâcher pour autant, et semble chercher à le faire souffrir autant qu’elle a souffert. Mais cette tentative de contrôle ira vraiment loin dans la manipulation et la cruauté, à tel point qu’il sera difficile de garder de l’empathie pour elle, avant peut-être la toute fin du drama.

Et donc de l’autre côté du spectre de ce mariage arrangé, il y a notre héroïne :
No In-ji

No In-ji en est à son 5ème mariage contractuel. De son côté, la vie n’a pas été toute rose non plus, et elle n’a plus aucune illusion concernant l’amour, ni le mariage. Quelques années auparavant, No In-ji était une jeune fiancée aux anges. Mais à quelques jours du mariage, son mari a disparu à cause d’une sale manœuvre de sa mère. Désemparée et déçue, la jeune femme décide de ranger ses rêves au placard et change de vie : elle devient épouse contractuelle. Pas de sentiment, pas de bagarre juridique, ni de déchirement, toutes les modalités de la relation sont compilées dans un manuel, c’est cadré, pro. Formée par l’agence NM, elle en est un des éléments les plus efficaces, et ses quatre précédents mariages se sont déroulés sans encombre. Tout semble donc plutôt rouler pour elle. Mais c’est sans compter un élément perturbateur à ajouter à l’équation : No In-ji se fait poursuivre et harceler par un type un peu bizarre, qui la suit depuis des années. Elle avait réussi à le faire arrêter et interner, mais voilà que cet homme est sorti de son centre, et court à nouveau dans la nature. La jeune femme est donc une nouvelle fois en danger. Car ce type est plutôt inquiétant, il a déjà tué un homme, et menace de tuer quiconque se marie à No In-ji… Consciente du péril, No In-ji n’en est pas moins impuissante. Car à moins d’être pris sur le fait par la police, elle ne peut pas le faire arrêter à nouveau en avançant seulement sa crainte. Cette épée de Damoclès est donc suspendue au-dessus de sa tête.
En parallèle, Han Jeong-won et elle s’installent dans leur nouvelle vie conjugale, d’abord plutôt froide et triste, mais qui se réchauffe progressivement (d’ailleurs, j’ai souri en voyant que le tango était utilisé comme ressort de rapprochement, ça m’a fait penser au drama Eve, dans lequel le tango joue aussi ce rôle. C’est vrai que c’est une danse sensuelle – enfin, ça dépend qui danse hein – et dans laquelle les danseurs sont proches, mais je trouve que c’est un peu cliché. Néanmoins, on ne peut nier que, dans l’imaginaire collectif, le tango soit une danse permettant le rapprochement physique, voire émotionnel)(j’ai moi-même dansé le tango, plutôt mal mais avec enthousiasme, c’est peut-être aussi pour ça que la perception que j’en ai s’éloigne un peu de « l’image » du tango)(héhé, spoiler à propos du drama, mais aussi spoiler à propos de ma vie, quileutcru !)

Ces deux personnages solitaires vont donc petit à petit apprendre à se connaître, et surtout, à se faire confiance. S’aidant à surmonter leurs traumatismes respectifs, ils trouveront l’un dans l’autre un allié, quelqu’un auprès de qui se confier, et tenteront de s’émanciper de leurs passés.
Il faut aussi noter que Han Jeong-won travaille avec un homme marié de manière « traditionnelle », donc un mariage que l’on peut qualifier de mariage d’amour. Ce couple, apparemment bien sous tous rapports, apporte un contrepoint intéressant. En apparence unis, on découvre que ces deux personnages sont en fait entravés par leur relation, qui suit les schémas traditionnels de répartition des tâches. L’homme est préoccupé par ses difficultés au travail et n’accorde que peu d’importance aux plaintes de son épouse, qui, elle, reste à la maison, à s’occuper des enfants. Une situation dans laquelle elle étouffe manifestement. Cela vient renforcer la sensation d’échec à laquelle le mariage semble voué. J’ai beaucoup aimé ce couple, et cette femme, qui explose de frustration et d’amertume, m’a beaucoup touchée.
Et le bagage dans l’histoire ?

A vrai dire, le bagage est un élément un peu anecdotique, je trouve. C’est tout de même ce qui va lancer l’intrigue, puisque le drama commence avec la découverte par la police d’un bagage dans un lac, et d’un cadavre. Toute l’histoire sera d’ailleurs ponctuée d’interrogatoires de police pour essayer d’élucider le mystère autour de cette malle : qui en est le propriétaire, qui est cette personne morte, et quels sont les liens entre ces deux éléments. Mais finalement, c’est un fil rouge qui passe rapidement au second plan.
Et pourquoi t’y es-tu reprise à deux fois pour finir ce drama ?
Excellente question, chers lecteurs et lectrices. Pour ne rien vous cacher, et vous l’aurez peut-être compris, l’histoire est tout de même un brin embrouillée. Entre ce couple divorcé, leur relation qui perdure bizarrement, ce mariage arrangé par l’ex-femme, les passés compliqués des uns et des autres, cette malle retrouvée, et les nombreux allers-retours passé-présent, j’avoue que ça m’a un peu perdue. Ajoutez à ça une ambiance froide, bleutée, lourde, un rythme lent, peu de dialogues, des décors compliqués (je sais que ça paraît bizarre dit comme ça, mais l’architecture des décors est à l’image du drama : alambiquée), je n’étais juste pas d’humeur. Je suis contente pourtant d’avoir persévéré, parce que ce sont justement ces raisons-là qui m’ont fait par la suite apprécier ce drama.
Car retournement de veste total : j’ai adoré les ambiances. Il faut reconnaître que la mise en scène est superbe. Et tout compte fait, les décors servent magistralement l’histoire. La maison de Han Jeong-won, dans laquelle s’installe No In-ji, est incroyable. Avec cet immense escalier central, ce chandelier imposant, elle écrase les personnages.

Les lumières froides, bleues, viennent appuyer les propos, et soutiennent le malaise des personnages. Vraiment, la réalisation est superbe.

On voit que Netflix a mis du budget dans ce drama, et y a aussi laissé sa patte. Et c’est d’ailleurs peut-être aussi ça qui déroute.
Un drama sans le k
Ce qui m’a perturbée je pense, c’est de ne pas retrouver les codes attendus du k-drama. On est face à un drame, une sorte de thriller psychologique, mais le rythme, le registre, ne font pas vraiment penser à un k-drama « classique ». Pas de rupture dans l’action, pas d’humour ni de burlesque, et aussi, une scène de sexe et de nudité. Et ça, ça n’arrive jamais. Bon, après, on ne va pas se voiler la face, des scènes crues, on en a tous vu dans des films américains, français… Mais dans des k-drama, moi, je n’en avais encore jamais vu. Et sans être d’une extrême pudibonderie, j’avoue que j’apprécie aussi avoir l’assurance, en regardant un k-drama, de ne pas voir ce genre de scène. Parce que des fois, on n’a juste pas envie de voir de scène de nudité, ou de choses trop explicites (peut-être suis-je d’une pudibonderie extrême en fait, tout bien réfléchi). Bref, cette scène n’est pas trop longue, et il n’y en a qu’une, mais je sais que ça a pas mal fait jaser sur les internets, et je peux comprendre : c’est effectivement inattendu. Pas non plus de quoi casser trois pattes à un canard hein, mais assez surprenant pour être noté.
Je ne sais pas dans quelle mesure Netflix a été impliqué dans la supervision du scénario, ni quel était le cahier des charges, mais je pense néanmoins qu’il s’agit d’un drama un tantinet « netflixé ». Ça n’enlève rien à sa qualité, mais en conséquence, Pour Seul Bagage ne peut pas vraiment être qualifié de « k »-drama, au sens attendu du terme. Et peut-être est-ce aussi dû au fait que c’est une adaptation.
« The Trunk », la nouvelle


Pour Seul Bagage est l’adaptation d’une nouvelle de 2015, écrite par l’autrice Kim Ryeo-ryeong. Je ne sais pas réellement dans quelle mesure l’adaptation diffère du roman, car il n’a pas été traduit en français. Il est en revanche disponible en anglais depuis 2024, à temps pour coïncider avec la sortie du drama. Il est à noter que la traduction a été effectuée par The KoLab, un groupe de 13 étudiants australiens, travaillant sous la supervision de professeurs. Une grande première. La traduction a été saluée, soulignant son approche collaborative, et sa qualité.
D’après les résumés que j’ai trouvé, le livre est présenté comme une dystopie, où l’amour et le mariage sont réduits à de simples transactions. Et lorsque la nouvelle est publiée, en 2015, la Corée du Sud connaissait alors son plus bas taux de mariage depuis 1970 (il baissera encore avant de remonter légèrement en 2023). Plusieurs causes, bien sûr à ces chiffres. Nous avons déjà pu voir dans « Kim Jiyoung, née en 1982 » que les inégalités homme/femme étaient encore nombreuses en Corée du Sud, et qu’il était attendu qu’une femme démissionne après son mariage, et qu’elle prenne en charge les tâches au sein du foyer. Il semblerait que les femmes, plus et mieux éduquées, ne souhaitent pas abandonner leur travail et leur autonomie, et que les conditions de garde pour les enfants ne soient pas satisfaisantes, ou soient trop coûteuses. Et en parlant de coût, le manque d’argent semble être aussi avancé pour expliquer la chute des mariages, et de la natalité, car les deux sont liés, les enfants nés hors-mariage étant rares. Une accession à la propriété difficile, une éducation coûteuse (la compétition étant rude en Corée du Sud, les enfants sont envoyés dans des instituts privés après l’école pour développer leurs compétences), un budget global pour élever des enfants en hausse, et des dépenses axées sur l’épanouissement personnel semblent faire partie des nombreux éléments à prendre en compte pour comprendre cette baisse des mariages, et de la natalité.
The Trunk, en mettant en scène des relations maritales basées sur un contrat encadrant clairement les attentes des deux parties, qu’elles soient sentimentales ou financières, peut se lire comme un reflet poussé à l’extrême des difficultés des Sud-Coréens à se projeter dans des relations. Espérons qu’une traduction française soit au programme !
Alors, on regarde ou pas ?
Vraiment, oui, allez-y ! Si vous l’avez entamé, mais avez du mal à accrocher, persévérez, ça en vaut la peine. Les histoires sont tortueuses, les personnages aussi, mais une fois que l’on se familiarise avec l’intrigue principale et son rythme, on peut vraiment goûter à la beauté de ce drama.
Je n’en ai pas parlé, mais il faut évidemment souligner les acteurs qui donnent vie à ces personnages tourmentés. On retrouve la superstar Gong Yoo, qui a joué dans Squid Game, mais qui, pour moi, est surtout le papa de Dernier Train pour Busan dans le rôle de Han Jeong-won, et Seo Hyun-jin dans le rôle de No In-ji. Je ne connaissais pas cette actrice, mais je l’ai trouvée très convaincante dans la peau de cette mystérieuse épouse contractuelle. Jung Yun-ha joue l’ex-femme, Lee Seo-yeon, et elle arrive très bien à incarner ce personnage retors et cruel. Kim Dong-won est Eom Tae-sung, le harceleur d’In-ji. Sans oublier Lee Jung-eun (Parasite, entre autres) qui a un petit rôle secondaire. Cette actrice me surprend à tous les coups, à chaque fois, ses rôles sont super différents ! Et pour finir, c’est vrai que je ne l’ai quasiment pas mentionné, mais le mari contractuel de Lee Seo-yeon est joué par Jo Yi-gun, un acteur ayant débuté en 2022.

En définitive, un drama surprenant, lent, parfois beau, souvent sombre, qui nous emmène hors des codes classiques, avec une fin ouverte, loin des happy ending de romance. Une belle production, mais qui demande un peu de persévérance !


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