La Dénonciation, de Bandi : un témoignage rare venu de Corée du Nord

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Titre original : 고발
Auteur : Bandi (pseudonyme)
Genre : recueil de nouvelles
Parution : 2014 (Corée du Sud)
Version française : Editions Picquier, 2016 / Poche, 2018
Traducteurs : Lim Yeong-hee, Mélanie Basnel
Préface de Do Hee-yoon, responsable de l’ONG « Solidarité et droits de l’Homme pour les réfugiés nord-coréens »
Postface de Pierre Rigoulot, historien, essayiste, politologue et professeur de philosophie
Nombre de pages : 265 / 304
Photo de couverture : Eric Lafforgue

Nous voyageons en Corée du Nord avec « La Dénonciation », un recueil de nouvelles venu de ce pays si fermé à l’issue d’une opération risquée, heureusement couronnée de succès.

Cet article balaie le recueil et son contexte. Pour vous aider à y voir plus clair, en voici le sommaire :

Le mystère Bandi : qui est cet écrivain dissident nord-coréen ?

Le monde tâché est écœurant à voir
Une étoile douloureuse qui n’ouvre les yeux que la nuit
Déploie pleinement les ailes qu’elle repliait
Et nage dans la lumière blanche de la lune.
Quand la lune éclatante, la brume blanche, un monde innocent,
Font disparaître toutes les souillures de ce monde,
La luciole de mon cœur s’allume aussi
Et vole dans ce monde immaculé.

« Bandi », poème extrait du recueil « The Red Years » où l’auteur se décrit lui-même

De Bandi, l’auteur de La Dénonciation, on sait peu de choses. Les quelques informations que l’on possède viennent de la préface rédigée par Do Hee-yoon (aussi orthographié Do Hui-yun), responsable de l’ONG « Solidarité et droits de l’Homme pour les réfugiés nord-coréens », et de la revue Mensuel Chosun, premier média à publier un article sur Bandi et ses manuscrits, et à révéler publiquement leur importance.

On y apprend que Bandi, dont le pseudonyme veut dire luciole, est né en 1950. Il se distingue dès les années 70 en publiant quelques textes dans des revues littéraires nord-coréennes, mais abandonne son rêve de devenir auteur, harassé par son travail d’ouvrier. Ça ne l’empêche pas de prendre la plume dès qu’il en a l’occasion, et il devient tout de même membre de l’Alliance des écrivains de Corée.

Cette alliance, branche de la Fédération Coréenne de la littérature et des arts, est une institution-clé car elle encadre les écrivains et leur impose une ligne idéologique stricte. Tout auteur espérant être publié doit obligatoirement y adhérer, et s’engage en parallèle à être un outil au service du régime.

[Pardon, petite interruption : vous saviez qu’on peut consulter des documents déclassifiés de la CIA ?? En faisant une recherche sur la Korean Federation of Literature and Arts, je me suis retrouvée à éplucher un document des années 50 de la CIA ! J’ai l’impression de faire des recherches d’une très grande importance au niveau international en ayant la classe d’une star de l’âge d’or d’Hollywood – impression non contractuelle]

Mais en 1990, le pays est frappé par une pénurie qui réduit drastiquement les rations de nourriture, et à partir de 1994, juste après la mort de Kim Il-Sung, une terrible famine fait des ravages jusqu’en 1998. De nombreux nord-coréens tentent de fuir et de gagner la Chine, et de nombreux autres meurent. Le gouvernement nord-coréen a communiqué des chiffres allant de 225 000 à 235 000 morts, mais des organismes extérieurs jugent cette estimation incorrecte. Cette période sera appelée a posteriori la « Marche ardue » ou la « Marche forcée » (le terme famine étant interdit par le régime).

Bandi, témoin de la mort de nombre de ses proches, ne peut que profondément remettre en cause le fonctionnement de la société nord-coréenne. Il décide alors, par le biais de ses écrits, de se faire porte-parole de ses compatriotes.

De la difficulté à faire sortir un manuscrit d’un des pays les plus fermés au monde

La manière dont le manuscrit de Bandi a réussi à traverser la frontière est assez rocambolesque. En effet, Do Hee-yoon nous apprend que Bandi a d’abord cherché à faire sortir son manuscrit par le biais d’une amie proche qui allait passer en Chine. Mais elle refuse, n’étant même pas sûre de pouvoir réussir à quitter le pays saine et sauve. L’écrivain n’a pas d’autre choix que d’accepter et attendre.

Son amie réussit finalement à traverser la frontière avec la Chine, mais est tout de suite arrêtée par une unité de l’armée chinoise. Par « chance », au lieu de la renvoyer directement en Corée du Nord, les soldats lui demandent une grosse somme d’argent en échange de leur silence. La femme réussit à gagner du temps en disant qu’elle va essayer de réunir la somme.

Entre-temps, le commandant de l’unité chinoise rencontre un passeur nord-coréen qu’il connait, et lui raconte qu’il a trouvé une femme nord-coréenne qu’il entend laisser sur le territoire à condition qu’elle paye.

Do Hee-yoon

Or le passeur était en relation avec Do Hee-yoon, qu’il informe de la situation. Grâce à un soutien de son association, ce dernier réussit à réunir la somme exigée par l’unité chinoise, et obtient la libération de l’amie de Bandi.

Il l’emmènera ensuite en Corée du Sud, où ils se perdront de vue avant de renouer contact, car elle souhaite demander à Do Hee-yoon un ultime service : aller chercher le manuscrit de Bandi. « Si, à ce moment-là, j’avais emporté le manuscrit, je serais morte et Bandi aussi. Mais comme j’avais promis de revenir chercher ce manuscrit, il doit encore m’attendre », explique-t-elle.

Après en avoir longuement discuté avec elle, Do Hee-yoon accepte. La femme écrit alors une lettre à remettre à Bandi, sorte de laisser-passer, et la confie à Do Hee-yoon. Celui-ci se met à la recherche d’un contact pouvant rentrer en Corée du Nord, et tombe sur un ami chinois qui, justement, s’apprête à y aller pour rendre visite à sa famille.

En 2013, cet homme débarque chez Bandi, et lui remet cette lettre :

Grand frère, c’est moi Myeong-ok. Désolée d’avoir tardé à te donner de mes nouvelles. Je suis désormais en lieu sûr. Celui qui m’a aidée à être en sécurité va t’envoyer quelqu’un avec cette lettre. Quand tu l’auras lue, donne-lui ce que tu voulais me confier la dernière fois. Tu peux lui faire confiance. Il n’y a que toi et moi qui sommes au courant. Il me semble qu’il y avait deux choses.

J’aimerais tant que vous aussi puissiez vivre un jour dans un monde meilleur. Dès que je pense à la famille que j’ai laissée derrière moi, les larmes ne cessent de couler. Grand frère, promettons-nous de nous revoir… J’espère de tout mon cœur que ce jour viendra. Prends bien soin de toi.

Myeong-ok

Bandi hésite un moment, mais malgré les risques, confie son manuscrit à l’inconnu, caché dans des pamphlets de propagande pour Kim Il-sung et Kim Jong-il. Et c’est ainsi que ses écrits se sont retrouvés de l’autre côté de la DMZ.

« La Dénonciation », de quoi ça cause ?

Je vis en Corée du Nord depuis cinquante ans,
Comme une machine parlante,
Comme un homme attelé à un joug.
J’ai écrit ces histoires,
Poussé non par le talent,
Mais par l’indignation,
Et je ne me suis pas servi d’une plume et d’encre,
Mais de mes os et de mes larmes de sang.

Elles sont aussi arides que le désert,
Aussi brutes que la prairie sauvage,
Aussi pitoyables qu’un malade,
Aussi maladroites qu’un grossier outil en pierre,
Mais, cher lecteur,
Je t’en prie, lis-les !

Extrait du prologue de « La Dénonciation »

Ce livre est un recueil constitué de sept nouvelles écrites entre 1989 et 1995, chacune mettant en scène un individu qui verra sa liberté se heurter aux contraintes imposées par le régime nord-coréen, chacune illustrant un affrontement entre des besoins fondamentaux simples et les obligations imposées par le parti.

Résumé des nouvelles :

  • L’orme-trésor : un vieil homme, travailleur infatigable à la poitrine bardée de médailles du mérite, chérit l’orme qu’il a planté des dizaines d’années auparavant pour fêter l’anniversaire de son inscription au Parti. Cet arbre représente sa foi dans le Parti, et amènera nourriture et vêtements à foison car le régime l’a promis. Mais il est actuellement menacé par des policiers qui souhaitent, sans vergogne, en couper une branche. Le vieil homme entre dans une rage folle. Avant de réaliser que cet arbre qu’il vénérait ne lui avait rapporté « que des morceaux de ferrailles froids et inutiles au lieu du riz blanc, de la maison à toit de tuiles et de tous ces rêves pour lesquels il avait trimé toute sa vie. »
  • La Ville des Spectres : pour cette famille vivant à Pyongyang (une famille relativement aisée donc), c’est veille de fête nationale. Les répétitions, qui durent depuis plusieurs jours, battent leur plein sur la place en bas de l’appartement. Sauf que le petit garçon du couple est pris de peur panique et de convulsions en voyant, par la fenêtre, les portraits de Marx et du Grand Leader. Il les prend pour l’Eobi, une créature horrible qui emporte les enfants dans un sac. Pour résoudre le problème, chaque soir, la mère tire les rideaux de l’appartement pour cacher les portraits. Mais cela va à l’encontre de l’harmonie de la façade, et surtout, d’après les voisins, « il s’agit peut-être d’un code secret pour communiquer avec des espions ». Des lettres de dénonciation sont envoyées, et la voilà sur la sellette.
  • Si Près, Si Loin : un père de famille rentre enfin chez lui. Il est en piteux état, affaibli, sale, couvert de poux. Et il raconte. Lui qui voulait aller voir sa mère mourante, s’était vu refuser l’autorisation de voyager, obligatoire pour traverser le pays. Il avait alors décidé de partir clandestinement. Avec la peur chevillée au corps, il avait réussi à rallier le village de sa mère… avant de tomber dans les filets de la police, postée là pour assurer la sécurité des environs, un « événement n°1 » (événement auquel assiste Kim Il-sung, Kim Jong-il, ou Kim Jong-un en personne) s’y déroulant. Il se retrouve alors embarqué pour les travaux forcés.
  • La Fuite : dans une lettre, un homme raconte à son ami comment, alors qu’il était si heureux en ménage, il s’est mis à douter de sa femme en tombant par hasard sur des contraceptifs dans leur salle de bain. Le voilà méfiant, méfiance aussi alimentée par le « déséquilibre » de leur mariage. Autant sa famille à elle est considérée comme loyale au Parti, autant la sienne, non. Or la flétrissure est héréditaire, et est retombée sur lui, sur son neveu, sur tous ceux qui l’approchent, et donc bien évidemment, sur sa femme. Qui en a pris conscience et refuse de donner naissance à un être « dont elle sait d’avance qu’il devra se frayer un chemin dans des buissons de ronces ».
  • Pandémonium (qui évoque la capitale imaginaire des Enfers) : M. et Mme Oh, un couple de personnes âgées, et leur petite-fille, sont contraints d’attendre un train des heures dans une gare bondée. Mme Oh profite de ce contretemps pour porter à pieds un remède à sa fille. Régulièrement stoppée sur sa route par des policiers, un « événement n°1 » étant en cours, elle tombe, avec stupeur, sur le Grand Leader en personne. Très cordial, il la fait monter dans son auto, sous les crépitements des photographes et les micros des radios qui l’accompagnent. Mais au même moment, à la gare, à l’annonce de l’arrivée du train, un raz-de-marée humain, épuisé par la faim et l’attente, écrase son vieux mari et sa petite-fille. Tandis que les médias glorifient partout son « voyage dans le bonheur », Mme Oh, rongée par la culpabilité, essaie de soulager les douleurs de sa petite-fille et de son mari. Elle va leur raconter une histoire qui s’appellera Pandémonium, l’histoire d’un village dans lequel vit un vieux sorcier qui avait jeté un sort aux habitants, les contraignant à rire en toutes circonstances…
  • La Scène : pendant la période de deuil en hommage au Grand Leader Kim Il-sung, Hong Yeong-pyo, inspecteur au service des renseignements, apprend avec effroi qu’un rapport a été fait sur son fils, vu se promenant main dans la main avec une jeune fille. En cette période d’intense tristesse générale suite au décès du Grand Leader, c’est inadmissible et il enrage : son fils « n’était-il pas conscient de vivre dans une société implacable où le moindre comportement, la moindre parole […] se savait, où tout était enregistré et photographié ? ». Une explication sous tension s’amorce entre le père et le fils, qui explose, confrontant son père à sa propre hypocrisie, et donc à celle du parti : « plus on étouffe les gens, plus on les opprime, et plus ils jouent la comédie ». Poussé à bout, entre paranoïa et délire, Hong Yeong-pyo prend une décision radicale.
  • Champignon Rouge : Heo Yunmo est un reporter chargé de rédiger un article sur la reprise d’activité d’une usine de pâte de soja. Après un épisode de sévère pénurie, son article doit vanter le retour à un rythme de production normale. C’est faux, mais ce n’est pas ça qui l’arrêtera, on le surnomme : « Heo le fabulateur ». Non, ce qui le freinera, c’est l’arrestation de Go Insik, l’oncle d’un ami à lui, un homme qu’il connait et estime. Sa faute ? Employé à l’usine de pâte de soja, il est accusé d’avoir fait preuve « de négligence et d’irresponsabilité vis-à-vis de sa mission », ce qui a mené à la pénurie de pâte de soja, et à son arrestation. Il sert de bouc-émissaire : la faute ne peut pas incomber au Parti. Tout le monde le sait, et tout le monde se tait : « Pauvre Insik, il a tout perdu parce qu’il a tout donné ».

Désillusion, peur omniprésente, hypocrisie, injustices, chacune de ces nouvelles, d’une écriture très simple, dépeint des scènes de la vie de tous les jours empreintes de souffrance, de privation de liberté, de conflit, de contrainte, et surtout, d’étouffement. Quasiment aucun des personnages ne s’autorise à dire réellement ce qu’il pense, et tous gardent leur rancœur pour eux. Pas de rébellion, mais une lente érosion de la joie et de l’espoir laissant place à un abattement qui s’installe. Il en sort des textes oppressants, non dénués d’ironie, qui, de par cette simplicité d’écriture, touchent frontalement.

Ecrivain rattaché à l’Alliance des écrivains nord-coréens, Bandi a écrit pendant toute sa carrière des articles ou des ouvrages de propagande, conçus pour véhiculer des messages encadrés par la censure nord-coréenne. Cette tendance transparaît dans « La Dénonciation » : son style de narration est moraliste, ses personnages, parfois stéréotypés, et ses textes, empreints de réalisme socialiste, sont peu nuancés. Le même type d’écriture que pour des textes de propagande, mais qui critiquent le régime plutôt que de le louer.

Ce recueil est un témoignage intriguant et unique de la vision d’un Nord-Coréen sur son propre pays, sur son sort et celui de ses concitoyens. C’est une vision absolument pessimiste, puisque son propos est de dénoncer, et pas de faire de l’art, comme Bandi le dit dans son prologue. Il est très difficile pour nous, lecteurs et lectrices, de nous faire un avis sur la véracité des faits, puisque nous ne sommes pas autorisés à le faire.

Qu’en dit le monde ?

En Corée du Sud et ailleurs

Il semblerait que la Corée du Sud ait réservé un accueil plutôt tiède au livre. « La Dénonciation » a été publié en 2014 sur Chogabje.com, un média appartenant à Cho Gap-je, un journaliste provocateur qui n’a jamais caché son antipathie pour la Corée du Nord, et n’a trouvé que peu d’écho. Le public était plus intéressé par l’identité de Bandi et la manière dont le texte était parvenu à traverser la frontière que par le texte lui-même. En 2017, Do Hee-yoon disait au New Yorker, que je cite : les Sud-Coréens [sont] « largement indifférents » à la crise humanitaire actuelle et à la profonde instabilité géopolitique qui règne à côté, un désintérêt que Do attribue à ce qu’il décrit comme une « sur-démocratisation » des Sud-Coréens – une sorte d’indifférence somnambulique.

C’est sa publication en français par les éditions Picquier en 2016 qui va lui donner un second élan, et un succès immédiat à l’international. Rapidement, les droits du livre sont achetés par de nombreux pays, et « La Dénonciation » est traduit dans une vingtaine de langues.

Authenticité et controverses

Néanmoins, plusieurs voix se sont élevées pour remettre en doute l’authenticité de l’œuvre, en particulier celle de Hwang Sok-yong, auteur renommé de Monsieur Han, entre autres. Entré illégalement en Corée du Nord à la fin des années 80, exilé aux Etats-Unis et en Allemagne, puis rentré en Corée du Sud en 1993 pour y être emprisonné 7 ans pour atteinte à la sécurité nationale, il avait là-bas noué des liens avec des auteurs. Selon lui, « le niveau d’écriture [de « La Dénonciation »] est tel qu’on ne saurait le considérer comme littéraire ». Son traducteur, Jean-Noël Juttet, ajoute : « L’écrivain Hwang Sok-yong qui a aidé de nombreux auteurs du Nord et du Sud depuis de nombreuses années, qui est allé en Corée du Nord à plusieurs reprises, n’a jamais entendu parler de cet écrivain ». Patrick Maurus, professeur de littérature coréenne et traducteur, estime quant à lui que « La langue est particulièrement fade. Cette médiocrité linguistique permet d’effacer les particularismes du texte et interdit d’affirmer définitivement de quel côté il a été écrit. L’hypothèse la plus vraisemblable est celle d’un Nord-Coréen écrivant au Sud ». Brian Myers, professeur à l’université Dongseo à Pusan, estime que « d’un point de vue littéraire, c’est atroce », mais que « la prose descriptive légèrement indigeste est typiquement nord-coréenne. Il ne s’agit certainement pas d’un faux grossier. » D’ailleurs, l’authenticité du manuscrit a été confirmée par l’éditeur français, Picquier, qui assure en avoir fait une analyse matérielle et graphologique avant de lancer sa traduction française.

Pour finir

Comparé à Soljenitsyne, qui en son temps s’érigeait contre l’Union Soviétique, Bandi a réussi à faire entendre une voix. La sienne, mais aussi celles de personnes ordinaires qui vivent en Corée du Nord, d’ordinaire silencieux, repliés derrière leurs frontières. Une voix entendue, écoutée et reprise dans de nombreux pays du monde, comme en témoigne cette lecture internationale par un groupe d’écrivains, traducteurs et activistes pour les droits de l’homme de différentes nationalités, réunis près du « Freedom Bridge » en Corée du Sud, dans la zone démilitarisée (DMZ).

Derrière les livres disposés sur le pont, des rubans flottent au vent, portant des messages de Sud-Coréens à leurs parents Nord-coréens perdus depuis longtemps. Puissent ces messages traverser la frontière, comme le manuscrit de Bandi. Car même si ses textes sont dénués de la moindre étincelle d’espoir, le seul fait qu’il ait souhaité et réussi à les faire passer au-travers des fils barbelés de Pyongyang prouve que, si l’auteur est sans espoir, l’homme lui, l’est toujours.

Je vous laisse sur un dernier poème de Bandi, extrait du recueil « The Red Years » (réédité sous le tire « Chansons de l’Enfer » par Libertas en 2025) :

Rêve

Sombre et angoissante, la nuit fut longue
Un nouveau monde s’est levé, un nouveau jour est arrivé
Les cloches de la liberté sonnent
Et là-haut les oiseaux dans le ciel voltigent et dansent

Le bruit des chaînes, le claquement des fouets étaient glaçants
La porte de fer s’est ouverte, grande ouverte
Amis, levez-vous de vos sièges
N’avez-vous pas entendu la cloche de la liberté ?
Ah vive, vive, vive, vive la liberté !

Ouvrons grand nos bouches qui autrefois mordaient les cailloux
Chantons les chansons que nous avons toujours voulu chanter
Les yeux et les oreilles qui avaient été arrachés, ouvrons-les pleinement
Goûtons à notre guise à ce vaste monde
Ah vive, vive, vive, vive la liberté !

logo du site quoicoree.com, un site sur la Corée du Sud

Pour aller plus loin :

Les premières pages du livre sont disponibles à la lecture sur Google Livres : Lire l’aperçu.

Le recueil de poèmes The Red Years: Forbidden Poems from Inside North Korea est disponible en ligne, et en anglais : Lire les poèmes.

A lire sur Quoicorée : coup d’œil en photos et vidéos sur la Corée du Nord, pour continuer notre exploration en images

Je vous invite à parcourir les portfolios d’Eric Lafforgue, dont une photo illustre la couverture de l’édition française de « La Dénonciation ». Un rare aperçu de la Corée du Nord en dehors des parcours officiels

2 réponses à « La Dénonciation, de Bandi : un témoignage rare venu de Corée du Nord »

  1. Une fois encore, merci « Quoi Corée ».

    Concernant « La dénonciation », même si « plusieurs voix se sont élevées pour remettre en doute l’authenticité de l’œuvre », après-tout, est-ce si important ?

    L’essentiel n’est-il pas de donner une voix aux « personnes ordinaires qui vivent en Corée du Nord ».

    J’attends avec impatience la suite de l’exploration de la Corée du nord, pays qui reste pour moi une immense « boîte noire »…

    Aimé par 1 personne

    1. Oui, c’est vrai que quelle que soit l’identité de l’auteur, cet ouvrage a permis de donner un coup de projecteur international sur la vie en Corée du Nord, et ce que peuvent subir ses habitants.

      La visite du pays en images vient tout juste de sortir 🙂

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