
Alors, je sors tout juste du cinéma, et j’ai très très TRÈS envie de vous parler de ce film. Ou besoin peut-être, je ne sais pas. Un peu des deux.
Il est sorti en France le mois dernier, en juin, mais avait été diffusé en festival en 2023.
Ce film est une adaptation du roman « Le dîner« , de l’auteur néerlandais Herman Koch, qui a déjà été adapté plusieurs fois au cinéma, et en lisant le résumé du roman, effectivement, cela semble assez fidèle. Donc ne lisez pas le résumé du roman (ne lisez pas le roman non plus) si vous voulez découvrir l’histoire avec ce film (vous le lirez après).
Je ne connais pas du tout le réalisateur, Hur Jin-ho. J’ai lu qu’il réalisait des films depuis les années 90, mais je n’en ai vu aucun.
« A normal Family », de quoi ça cause ?
La première séquence est plutôt brutale. En effet, nous assistons à une altercation entre deux automobilistes, qui se termine dans le sang. Bilan : un mort, une petite fille blessée, et un conducteur en cavale rapidement rattrapé. Ce conducteur s’avère être le fils d’une riche famille, qui fait appel pour sa défense à un avocat réputé. Et hop, avec cet avocat, nous venons de faire connaissance avec le premier membre de cette « normal family ».
L’avocat, Yang Jae-wan, est un homme qui a réussi. Sans scrupule et intelligent, riche et bien installé, il jouit de son statut social. Remarié à une belle jeune femme avec laquelle il vient d’avoir un bébé, il est également papa d’une adolescente, issue de son premier mariage. Chouchoutée par son père qui ne lui refuse rien, et promise à un bel avenir, celle-ci attend la réponse d’universités prestigieuses.
Et maintenant, dirigeons-nous vers l’autre branche de cette famille, car Yang Jae-wan a un frère plus jeune que lui, Yang Jae-gyoo. Chirurgien intègre et empathique, c’est dans son hôpital que sera hospitalisée la petite fille blessée par l’accident de voiture du début. Et zou, on boucle la boucle. Yang Jae-gyoo est marié à une femme plus âgée que lui, ils sont tous deux investis dans le bénévolat. Ils sont parents d’un adolescent, mais celui-ci, martyrisé par ses camarades de classe, a un quotidien bien moins réjouissant que celui de sa cousine.

Les quatre adultes se retrouvent régulièrement lors de « rendez-vous familiaux » dans des restaurants plutôt guindés (choisis par le frère avocat), l’occasion de se retrouver et de papoter en famille. Sympathique, me direz-vous. Eh bien pas vraiment, puisque ces repas sont plutôt l’occasion d’entretenir les petites rancœurs, rancunes et jalousies tenaces.
En effet, Yang Jae-gyoo, qui a été témoin des blessures de la fillette, et du désarroi de sa mère, reproche à son frère d’être prêt à défendre la pire des crapules contre de l’argent. D’une intégrité absolue, il méprise son frère vénal. De son côté, Yang Jae-wan soutient que ce n’est pas lui, mais la loi qui est faite de telle manière qu’elle permet de faire passer un meurtre en homicide involontaire. Il ne fait qu’appliquer la loi, et il le fait bien. Les deux femmes ne sont pas en reste, entre mépris pour « l’autre », la nouvelle femme, et piques bien senties sur la différence de statut social. Voilà qui ne promet pas une digestion des plus apaisées, mais les apparences priment, et malgré tout, une « entente cordiale » est maintenue.

Et elle va voler en éclat, vous vous en doutez bien ! Une fois que nous sommes bien installés dans notre histoire, que nous avons bien compris les caractéristiques de chacun de nos quatre personnages principaux, leurs histoires, leurs rivalités, paf, arrivée de l’élément déclencheur ! Et cet élément ne viendra pas de nos quatre adultes, mais des deux enfants, des deux cousins qui s’entendent miraculeusement bien quand on voit la relation de leurs parents.
Et c’est tellement bien amené ! Vraiment, en ce qui concerne le découpage, la mise en place des éléments, c’est super intelligent. On comprend en même temps que nos personnages ce qui est en train d’arriver, ce qui nous tient en haleine et nous fait aller de surprise en surprise (elles ne sont pas bonnes hein) au même rythme que les protagonistes. Et comme leurs caractères ont été si bien présentés pendant la première partie du film, on comprend tout de suite l’impact que tel ou tel événement va avoir sur la dynamique familiale. Vraiment, c’est bien fichu (ça c’est de la critique de professionnelle).
Oui, bravo QuoiCorée, tu es une vraie critique de cinéma.
Merci 🤡
Donc tu le recommandes, ce film ?
Absolument. C’est grinçant et glaçant à souhait. Mais avec ce talent coréen pour le mélange des genres, on se surprend à rire aussi par moments au début. Après, plus trop. Ces façades qui s’effritent lentement font froid dans le dos. C’est encore plus effrayant quand on sait que l’histoire du livre est elle-même adaptée d’un fait divers réel (non mais l’horreur je vous dis pas). Je mets un petit bémol si vous êtes parents d’enfants adolescents et un brin stressés à ce sujet, ça ne va pas calmer vos angoisses 😬
L’un des personnages dit à un moment « On est prêts à tout pour nos enfants », et un autre : « Si les enfants étaient parfaits, personne n’irait au temple et à l’église. ». Ce seront vraiment les leitmotivs de ce film. Jusqu’où peut-on aller pour préserver sa réputation, et où place-t-on la dignité et la droiture dans les moments de crise ? Qu’est-ce qui est juste ? Qui sont les responsables ? Quelle valeur a la vie ? Et la vie a-t-elle une valeur différente qu’on soit riche ou qu’on soit pauvre ?
Ce film est cynique, cruel et sombre. En questionnant les modèles familiaux et leurs dysfonctionnements, les valeurs qu’ils prônent et qu’ils transmettent, les non-dits et la communication rompue, il nous malmène jusqu’à la toute fin autant qu’il malmène ses personnages. Et rappelez-vous, ça commence par un mort. Vous voyez ce qui vous attend.
Bon film !


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