Her Private Life : une bluette anti-blues

Her Private Life ? Vos papiers svp 🥸

Titre original : 그녀의 사생활
Adaptation du web roman 누나팬닷컴 (NoonaFan.com), de Kim Seong-yeon (2007)
Genre/thème : comédie, romance, milieu artistique
Année de diffusion : 2019
Chaîne : tvN / Netflix
Nombre d’épisodes : 16
Acteurs principaux : Park Min-young, Kim Jae-wook, Kim Sun-young, Kim Bo-ra, Kim Mi-kyung, ONE

Eh bien c’est drôle, mais parfois, ça fait du bien de voir une histoire simple. Bon, vous connaissez les dramas, ça n’est jamais réellement simple, mais enfin, dans Her Private Life, l’histoire se déroule tranquillement, et j’ai apprécié.

Avant de plonger dans le vif du sujet, voici la table des matières, pour aborder cet article de manière tranquille, notre maître mot :

De quoi ça cause ?

Sung Deok-mi est conservatrice au musée d’art Cheum (ça m’a fait beaucoup rigoler, puisqu’en verlan, « cheum », ça veut dire moche, mais bon, passons). Passionnée par l’art et par son métier, elle ne compte pas ses heures pour dénicher de nouvelles œuvres et n’hésite pas à troquer son impeccable tailleur pour un jogging afin d’installer elle-même les expositions du musée. Musée dirigé par une femme assez extravagante et fantasque, un brin autoritaire, dont l’exigence principale est que ses employé.e.s ne soient pas fans d’idols de la K-pop. Assez étrange, me direz-vous, qu’est-ce que ça peut bien lui faire ? Eh bien il faut savoir que la propre fille de cette directrice est fan d’un chanteur nommé Cha Shi-an. Mais fan assez hardcore, qui dépense des centaines de wons pour offrir des cadeaux à son idole, ou qui n’hésite pas à le suivre pour prendre des photos volées. Ça exaspère sa mère, qui ne supporte plus les fans d’idols. Voilà.

Sung Deok-mi, lors de son entretien d’embauche, avait évidemment juré, croix de bois, croix de fer, qu’elle n’était absolument fan de personne, et qu’elle ignorait tout des idols. Elle finira en enfer, car c’était un sacré mensonge. En effet, Sung Deok-mi est également fan du même Cha Shi-an. Et aussi fan hardcore. Elle a même créé un blog qui lui est dédié : La Route de Shi-an, qui compte de nombreux membres. Elle ne rate aucun concert de son idole, le prend en photo dès que possible, et passe son actualité au peigne fin, tout en prenant soin de cacher son identité. Cette passion n’est pas franchement appréciée de ses parents non plus, et elle ne peut s’en ouvrir qu’à sa meilleure amie, une fan elle-aussi, et à son frère.

Malgré tout, la jeune femme a trouvé un équilibre dans cette double vie. Tout bascule lorsque sa patronne, la fameuse directrice, est obligée de quitter son poste à cause des malversations financières de son PDG de mari, dans lesquelles elle a trempé. Pour la remplacer à la tête du musée, c’est un artiste coréen ayant eu un grand succès aux États-Unis qui est nommé : Ryan Gold (non mais ce nom quand même !). Froid, caractériel, plutôt antipathique, il s’avère que Sung Deok-mi l’avait déjà croisé à deux reprises : lors d’une vente aux enchères de tableaux, en Chine, mais surtout, lors d’une séance de photos volées de Cha Shi-an, où la jeune femme, juchée sur un escabeau pour ne rien rater de son idole, était littéralement tombée sur Ryan Gold, qui passait par là. Ayant pris soin de masquer son visage, il n’avait pas pu la reconnaître. Mais elle, oui.

La collaboration démarre donc de manière plutôt houleuse. Mais pour Sung Deok-mi, la situation s’éclaire d’un coup lorsque Ryan Gold décide d’organiser une exposition spéciale pour le musée, basée sur les œuvres d’art possédées par des stars. Et l’une d’entre elle sera… Cha Shi-an. Une rencontre est donc organisée avec le chanteur, pour discuter des modalités de l’exposition. Sung Deok-mi est aux anges, la voilà en présence de son idole ! Malheureusement, des fans l’ont vue sortir du domicile de l’artiste, et une rumeur se répand : Cha Shi-an a une copine !! Le scandale prend de l’ampleur, et Sung Deok-mi se retrouve littéralement la cible d’une bande de fans en fureur. La situation pour elle devient réellement dangereuse, son identité et ses coordonnées sont divulguées sur internet. Pour y mettre un terme, Ryan Gold propose alors à la jeune femme un stratagème : ils simuleront une relation amoureuse, pour prouver qu’elle ne sort pas avec Cha Shi-an. La suite, vous la voyez arriver d’ici.

Une vraie histoire d’amour !

Effectivement. Même si je vous spoile un peu, je pense que vous, chers lecteurs et lectrices au sens de l’observation aiguisé, l’aurez compris : cette relation simulée se transformera en romance réelle. Pourtant, même si c’est effectivement assez couru d’avance, eh bien ça a marché. Pourquoi ? Tout simplement parce que cette histoire d’amour est assez agréable à suivre. Les personnages sont trentenaires, relativement matures, ils communiquent, se témoignent de l’affection, et leur histoire d’amour est plutôt saine. Les malentendus ne durent pas des plombes, les triangles amoureux se résolvent sans drames qui traînent en longueur, et nos deux amoureux se respectent. Je sais, ça devrait être normal, mais ça n’est pas toujours le cas dans les dramas, je trouve. Ryan Gold respecte et comprend que sa copine soit fan d’un chanteur, il s’en amuse, ou ça peut légèrement l’agacer, mais jamais il ne le lui reproche. Quant à elle, elle le soutient dans sa quête d’identité (en effet, Ryan Gold a été adopté lorsqu’il était enfant et recherche sa mère biologique), comme dans son retour au dessin (après avoir été un peintre reconnu, il s’est retrouvé à ne plus être capable ni de dessiner, ni de peindre). Ce couple est donc plutôt fonctionnel, et j’ai aimé suivre leur histoire, parce qu’elle était mignonne et simple.

Globalement, même les personnages secondaires évoluent de manière positive. Les collègues de Sung Deok-mi sont fiables et sympathiques, la stagiaire, qui n’est autre que la fille de l’ancienne directrice, d’abord pénible et cassante, se révèle finalement travailleuse et solidaire de l’équipe, et le frère de Sung Deok-mi (qui est en fait une sorte de demi-frère : sa mère l’a confié petit aux parents de Sung Deok-mi), gérant d’un club de judo, grandit dans son rapport aux autres. La meilleure amie de Sung Deok-mi, patronne d’un café, mariée et maman d’un petit garçon, se révèle aussi être un soutien sans faille, tout en traversant ses propres problèmes de couple. Bref, tous ces personnages contribuent à l’ambiance bienveillante et chaleureuse qui se dégage de ce drama. Et je ne sais pas si c’est parce que la température extérieure refroidit en ce mois d’octobre, ou que les nouvelles du monde sont si déprimantes, mais enfin, ça m’a fait du bien. Pourtant, le drama n’est pas dépourvu de défauts.

Des défauts ? Lesquels ?

Pour commencer, on ne va pas se mentir : ce drama suit les codes du genre, avec la romance simulée puis réelle, les triangles amoureux, la quête d’identité, les flashbacks d’enfance, etc. Mais comme je le disais plus haut, de mon point de vue, ça ne dure jamais suffisamment longtemps pour être trop lourd. Je pense qu’on aurait tout de même pu se passer de l’histoire un poil compliquée de l’enfance de Ryan Gold, mais ça n’est que mon avis.

Ce qui m’a plus gênée à vrai dire, c’est ce rapport de fan hardcore. Je suis un peu mal à l’aise avec les gens qui guettent leurs idoles partout, suivent le moindre de leurs mouvements, les prennent en photo à leur insu, et n’acceptent pas qu’ils ou elles puissent avoir des relations amoureuses. Pourtant, je trouve qu’il est intéressant que ce sujet soit traité. Parce que dans le panel de fans montré dans Her Private Life, on trouve des fans assidus mais plutôt bienveillants, et des fans « sasaeng » (사생팬). Au départ, je n’étais pas convaincue par le comportement de Sung Deok-mi, qui dégainait sa tenue de fan et son appareil photo dès que Cha Shi-an était annoncé à un endroit. Mais son attitude est modérée par le fait qu’elle maintienne une barrière entre sa vie privée et sa vie de fan. Les deux univers ont clairement des limites, et même si elle est extrêmement impliquée dans son rôle de fan, elle ne dépasse pas les limites de la vie privée de son idole. Lorsqu’elle rencontre Shi-an en personne en tant que conservatrice de musée, elle est correcte et professionnelle. Le fait qu’elle devienne même une victime des fans du chanteur, qui la harcèlent en pensant qu’elle est sa copine, permet de la ranger du côté des fans « impliquées », sans être une fan intrusive, une fan « sasaeng ».

Mais QuoiCorée c’est quoi, une fan « sasaeng » ?

Pardon, c’est vrai que je n’ai pas expliqué ce terme. Un ou une fan sasaeng est un fan obsessionnelle. Majoritairement féminin, adolescent ou jeune adulte, ce type de fan va traquer son idole de manière frénétique. Un exemple récent concerne le groupe BTS : des membres d’une compagnie aérienne avec laquelle le groupe voyageait a vendu des informations les concernant à des fans obsessionnels (heure de vol, numéro de siège, etc…). Les fans ayant obtenu ces informations ont essayé de prendre le même vol, ou de réserver des sièges à côté des chanteurs, pour les approcher durant le vol. Ces fans peuvent aussi essayer d’obtenir les adresses ou les numéros de téléphone de leurs idoles pour les approcher, de voler leurs vêtements, de placer des caméras ou d’entrer par effraction chez elles, ou d’enregistrer leurs conversations téléphoniques, entre autres choses. C’est assez flippant en fait.

Apparus avec la montée des groupes d’idoles de K-pop dans les années 90, et la constitution de groupes de fans (fandoms), un article de 2012 indiquait que les personnalités populaires en Corée du Sud avaient entre 500 à 1000 fans sasaeng, et sont activement surveillées par environ 100 fans sasaeng chaque jour. D’après Kwak Keum-joo, professeur de psychologie à la Seoul National University, « La hallyu [vague de culture pop sud-coréenne] a apparemment renforcé le prestige national, comme le montre le cas du groupe BTS – mais a aussi engendré les sasaengs et l’obsession, que je considère comme le revers de la fièvre hallyu. »

Personnellement, j’avais découvert ce terme et ce comportement par le biais du webtoon (bande dessinée publiée sur internet en format vertical) « True Beauty » de Yaongyi. Pour faire court, l’héroïne sort avec Seo-jun, un trainee, un aspirant idol, qui découvrira que la peluche offerte par une de ses fans contient une caméra.

D’après mes souvenirs, cette fan l’espionnera jour et nuit, rentrera chez lui par effraction, et s’en prendra à ses proches, ce qui créera une énorme angoisse à l’apprenti chanteur. J’avais été impressionnée par ce degré de fanatisme, qui me semblait trop extrême pour être vrai, avant d’apprendre ensuite que c’était quelque chose de réel. L’autrice de « True Beauty » s’était inspirée d’une réalité pour l’appliquer à son histoire, ce que j’avais trouvé particulièrement effrayant…

D’autant qu’une économie a émergé de ces activités : proxy-photographer, des photographes qui prennent des photos volées de stars pour ensuite les revendre à des groupes de fans, revente d’informations personnelles de stars sur internet, chauffeurs de taxis facturant leurs courses à prix d’or contre la promesse de poursuivre à toute allure les vans transportant les célébrités, sociétés d’espionnage spécialisées dans les stars, le phénomène des sasaeng est lucratif.

Une loi anti-harcèlement (Anti‑Stalking Act) a vu le jour en 2021. Elle permet de sanctionner des actes de harcèlement ou d’intrusion par des peines de prison ou des amendes. Malheureusement, il reste difficile de punir les fans obsessionnels s’il n’est pas possible de prouver une « menace réelle » ou de comportement clairement illégal : attendre simplement un artiste à l’aéroport ou le suivre pour des photos n’est pas toujours suffisant pour déclencher l’application de la loi. De plus, le harcèlement numérique (création de faux comptes pour répandre des rumeurs malveillantes ou faire du recel d’informations personnelles) reste une zone légale floue. D’ailleurs, depuis la promulgation de la loi anti-harcèlement, les crimes de harcèlement ont augmenté

Oh. Ça fait froid dans le dos…

Oui, plutôt. J’avais dit que la tranquillité planerait sur cet article, c’est un peu raté. Alors on inspire, on expire.

Hhhhh, fffffff.

Parfait. Tran-qui-lli-té. On enchaîne.

Tu disais que le drama était une adaptation ?

Tout à fait, ce drama est adapté d’un web roman écrit par Kim Seong-yeon en 2007 : 누나팬닷컴 (qui sera également adapté en manga en 2013).

Le titre se traduit par NoonaFan.com, « noona » voulant dire « grande soeur d’un homme plus jeune ». C’est d’ailleurs aussi le nom donné dans les couples, lorsque la femme est plus âgée que l’homme. Dans les dramas, ce genre s’appelle les « noona romance », et pour moi, le plus bel exemple est « Something In The Rain » avec Son Ye-jin et Jung Hae-in. On a plus souvent l’habitude d’entendre les femmes appeler leurs petits copains 오빠, « oppa », qui signifie à la base « grand frère d’une femme plus jeune ». Par extension, les fans appellent aussi leurs idoles « oppa », mais dans notre exemple, Sung Deok-mi a nommé son site NoonaFan car elle est plus âgée que son idole. D’ailleurs, voici le résumé du livre, qui annonce clairement la couleur :

Les enfants, passez votre chemin !
Seules les femmes de 28 ans et plus peuvent s’inscrire !!
Pour celles qui se demandent si elles ont « encore le droit » de faire cela à leur âge,
Pour celles qui ont été blessées en entendant qu’elles étaient trop âgées pour participer à un fan-club et ont perdu l’envie de s’inscrire,
Pour celles qui hésitaient à rejoindre un site de fans et n’ont finalement jamais franchi le pas,
les épreuves sont désormais terminées.
Frayez-vous un chemin vers NoonaFan.com.
Les « noonas » (fans plus âgées) qui ne peuvent pas, par conscience, appeler leur idole « oppa » et se déclarent ainsi elles-mêmes « noona », vous accueillent comme camarades.
L’amour n’a pas de frontières, et sur NoonaFan.com, il n’y a pas de limite d’âge.
Les enfants, passez votre chemin ! Seules les noonas peuvent s’inscrire !

Dans le roman d’origine, il semble que l’héroïne soit la propriétaire d’un restaurant à succès, et embauche celui qui me semble être l’alter ego de Ryan Gold. Je n’ai pas trop creusé à vrai dire, mais l’histoire semble légèrement différente, tout en gardant bien sûr la double vie de l’héroïne, et évidemment, l’histoire d’amour.

Alors on regarde ou pas ?

Mais évidemment que vous regardez ! Voilà le drama idéal à déguster par ces froides soirées d’hiver (oui, j’anticipe un peu, et alors ?).

Il est en outre porté par de très bons comédiens, à commencer par Park Min-young, la « reine de la romance », qui incarne parfaitement les deux facettes de Sung Deok-mi, et Kim Jae-wook, qui campe un Ryan Gold tendre et attentif. Les interactions du duo sont vraiment agréables à regarder, tant elles sont empreintes de naturel et de simplicité. Du côté des personnages secondaires, on retrouve une belle brochette : Park Jin-joo dans le rôle de la meilleure amie (que j’avais découvert dans It’s Okay to Not Be Okay), Kim Sun-young dans celui de la directrice extravagante (j’adore cette comédienne que j’ai vu avec beaucoup de plaisir dans Les Vertus de la vente, Concrete Utopia, Our Unwritten Seoul, et Crash Landing on You), ou encore Kim Mi-kyung (qui joue d’ailleurs dans l’adaptation au cinéma de Kim Jiyoung, née en 1982) dans le rôle de la mère accro au crochet de Sung Deok-mi, et Lee Il-hwa (que j’avais vu dans Eve) qui joue la mère de Sha Chi-an. A noter que ce dernier est interprété par un vrai chanteur devenu acteur : One, de son vrai nom Jung Jae-won. Je n’y connais rien en musique coréenne pour le coup, donc ce jeune homme m’était totalement inconnu. Ce n’était pas le seul d’ailleurs, je ne connaissais pas non plus Ahn Bo-hyun, qui interprète le demi-frère de Sung Deok-mi, sorte de colosse un peu pataud au grand cœur, ni Kim Bo-ra, qui joue la stagiaire et la concurrente de Sung Deok-mi dans le royaume des fans de Sha Chi-an.

En alliant comédie, romance, relations amoureuses ou amicales matures et respectueuses, Her Private Life réussit le pari de nous tenir en haleine malgré une histoire principale pourtant prévisible. L’alchimie entre les comédiens est palpable, et permet d’embarquer avec eux sans réserve. Le drama permet également de jeter un œil aussi bien dans les coulisses d’un musée que dans celles de la vie d’un idol de K-pop et de ses fans, coulisses qui sont parfois moins sucrées et acidulées que l’on pourrait penser. Une occasion de réfléchir, tranquillement toujours, à un sujet de société bien réel et à l’importance de la vie privée, aussi bien en ligne qu’IRL, comme on dit sur le world wide web.

logo du site quoicoree.com, un site sur la Corée du Sud

2 réponses à « Her Private Life : une bluette anti-blues »

  1. Je trouve la révélation de fin un peu too much (sur la « relation » passée entre les 2 protagonistes), mais j’aime beaucoup de Drama aussi, je le trouve aussi plutôt positif 😀

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    1. Je suis tout à fait d’accord, on aurait clairement pu s’en passer 😅

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