
🥸 Bienvenue à la librairie Huynam ? Vos papiers svp
• Titre original : 어서 오세요, 휴남동 서점입니다
• Autrice : Hwang Bo-reum
• Genre : roman feel good
• Parution : 2022 (Corée du Sud)
• Version française : Editions Picquier, 2024
• Traducteurs : Isabelle Ribadeau-Dumas, Lee Hyon-hee
• Nombre de pages : 354
Ecrit en trois mois, et publié à l’origine sur une plateforme littéraire du nom de « Brunch » en 2019, « Bienvenue à la Librairie Hyunam » remporte le concours organisé par ladite plateforme en 2020, et connait de suite un immense succès. Depuis sa parution en version papier en janvier 2022, il s’est écoulé à plus de 300 000 exemplaires en Corée du Sud, et 500 000 à l’international. Sa traduction anglaise a été vendue à 25 pays pour des traductions ultérieures, la version anglaise a d’ailleurs été éditée par Bloomsbury, une maison d’édition anglaise prestigieuse, notamment éditrice des « Harry Potter ». Un best-seller quoi. En France, il a été publié en 2024 aux Editions Picquier.

Un vrai succès ! Et de quoi ça cause ?
Lee Yeong-ju a réalisé son rêve : elle est la propriétaire de la petite librairie « Hyunam », située dans un quartier résidentiel de Séoul. Passionnée de lecture, elle entend faire partager au plus grand nombre ses coups de cœur littéraires et son amour des livres. Mais réaliste, elle sait qu’il ne sera pas évident de faire perdurer un petit commerce, et malgré ses efforts, la trésorerie de la librairie est précaire. Elle va donc s’adjoindre les services de Min-jun, un barista, tout en multipliant les initiatives. Blog, critiques littéraires, rencontres avec les auteurs, ateliers… Le café-librairie va petit à petit attirer des curieux, dont certains deviendront des habitués, voire même des amis.
Autour des livres, mais surtout autour de cette ambiance chaleureuse, les liens se noueront, et nous découvrirons au fur et à mesure les histoires de chacun. A commencer par Lee Yeong-ju elle-même, ancienne employée d’entreprise qui a décidé de changer de vie suite à un burn-out et un divorce, et de consacrer son temps et son énergie à quelque chose qui l’anime vraiment : les livres. Min-jun, après quelques années à chercher sa voie, est entré dans la librairie à tout hasard, à la recherche d’un emploi. Il se découvrira une vraie passion pour le café, les mélanges de grains et d’arômes, et le réconfort que cette boisson peut apporter à chacun. Nous croiserons également un adolescent un peu perdu, pas du tout lecteur, qui s’interroge sur son avenir et sur le sens de la vie, une mère au foyer frustrée qui aspire à une stimulation intellectuelle qu’elle ne retrouve pas au sein de son foyer, ou encore Jimi, la torréfactrice qui fournit la librairie en grains de café, et dont le mariage est en train de se briser. Quantité de personnages qui représentent chacun une sorte d’étude de cas de la société coréenne, et met en relation des personnes en quête de sens. Et puis il y a Hyun Seung-woo. Employé « lambda » dans une entreprise, il tient en parallèle un blog à succès qui relève les fautes, les erreurs dans les publications, et a publié un livre « Comment bien écrire ? ». Invité par Lee Yeong-ju à participer à une rencontre publique à la librairie, l’auteur semble charmé par le lieu, l’atmosphère, à moins que ça ne soit par la libraire elle-même…
C’est un roman d’ambiance ?
On peut dire ça, dans le sens où il n’y a pas beaucoup d’action. L’histoire va se concentrer plutôt sur les personnages, leur quotidien, et la manière dont les liens qu’ils nouent vont leur permettre d’évoluer. Ce roman est classé dans la catégorie des « healing novels » ou encore « romans feel good », une catégorie de romans censée apporter réconfort et optimisme à ses lecteurs (un terme récent a même fait son apparition, « k-healing« , ciblant spécifiquement ces romans apaisants venus de Corée du Sud). Et c’est vrai, les questions existentielles que les personnages se posent peuvent trouver un écho auprès des lecteurs. Dans une interview, Hwang Bo-reum déclare : « J’aime lire des textes et des phrases et y puiser une compréhension profonde ou une illumination. Je crois qu’il doit rester quelque chose après la lecture d’un livre. Je pense que cela se reflète dans mes romans. » D’où les sortes de leçons de vie que le roman délivre au fil des chapitres. A travers les introspections des personnages, on peut voir que leurs états d’esprit changent, et qu’ils trouvent des réponses, ou des éléments de réponses, aux questions qu’ils se posent ou aux problématiques qu’ils rencontrent.
A ce propos, il est amusant de noter les similitudes entre l’autrice, Hwang Bo-reum, et son personnage, Lee Yeong-ju. Je ne sais pas si Hwang Bo-reum était malheureuse dans son travail, mais j’imagine que oui, puisqu’elle dit dans une interview à propos de son emploi de développeuse de logiciels chez LG Electronics : « J’ai compris que je ne pouvais pas continuer comme ça, alors j’ai démissionné sans aucun plan. » Elle a donc décidé, elle aussi, de tout plaquer pour se consacrer à la littérature. Et avec succès en l’occurrence, tout comme Lee Yeong-ju. Et en parlant de similitude, j’ai aussi relevé que, dans le roman, Lee Yeong-ju reçoit une autrice du nom de Lee Ah-reum pour parler de son livre « Je lis tous les jours », or Hwang Bo-reum a écrit un essai sur la lecture en 2017 intitulé… « Je lirai tous les jours » ! En voici un extrait de la préface, qui m’a beaucoup touchée :
Parce que je m’ennuyais, parce que j’avais soif d’histoires,
Hwang Bo-reum, « Je lirai tous les jours », extrait de la préface
parce que je me sentais vide, parce que je voulais témoigner de la sympathie à mes amis,
parce que je voulais espérer pour le monde,
et surtout, parce que
je voulais juste lire quelque chose,
je lis des livres tous les jours.
Et je continuerai à le faire.
Une véritable ode à la lecture.
Et tu as aimé ?
A vrai dire, pas vraiment. Oui, je sais, c’est un peu inattendu. En fait, je crois que je ne suis pas la bonne lectrice pour ce type d’ouvrage, car je ne remets pas en cause sa qualité, c’est juste que je m’ennuie. L’écriture est délicate, les descriptions sont ciselées, mais il me faut un peu plus d’action pour que je prenne plaisir à lire un livre. Celui-ci, j’ai l’impression de l’avoir parcouru plus que lu, d’avoir assisté à des études de cas, pas inintéressantes, mais pas captivantes non plus. Je trouve que tout est un peu attendu, et que finalement, on survole les personnages (hormis peut-être Lee Yeong-ju et Min-jun, qui sont les personnages principaux) plus qu’on ne rentre dans le dur. Pour une plongée dans la société coréenne contemporaine, je crois que j’ai préféré « Kim Jiyoung, née en 1982« , de Cho Nam-Joo, mais qui, pour le coup, est beaucoup plus sombre. Je ne suis pas très cliente des petites maximes, du style : on apprend à se connaître au contact des autres, il ne faut pas s’oublier dans le travail, c’est important de consacrer du temps à ses loisirs pour garder un bon équilibre, etc etc (c’est quand même beaucoup mieux dit dans le livre hein !). Je ne dis pas que c’est faux, ni mièvre, je dis juste que c’est un peu plat à mon goût. C’est donc pour ça que je déduis que je ne suis pas friande de ce type de roman.
En revanche, j’ai aimé voir l’organisation de la librairie de l’intérieur, comme réussir à la gérer et la maintenir à flot. J’ai aussi, évidemment, beaucoup aimé que ce livre soit écrit par quelqu’un qui aime les livres et la lecture. L’autrice cite quantité d’ouvrages de littérature internationale (on peut même être un peu perdu si on ne les connaît pas je trouve), qui sont d’ailleurs réunis dans une bibliographie à la fin du roman, et la lecture est presque le troisième personnage principal de cette histoire. C’est très agréable de voir la lecture autant évoquée, sans être sacralisée pour autant. J’adore lire, mais je conçois que ça ne soit pas la passion de tout le monde, et surtout, chacun lit à son rythme, et à son goût, il peut ne pas y avoir d’autre enjeu qu’un simple plaisir personnel. C’est pour ça que je me retrouve tellement dans la préface de « Je lirai tous les jours » (malheureusement pas traduit en français pour l’instant), parfois, on lit juste parce qu’on a envie de lire quelque chose, rien d’autre.
Je trouve aussi drôle, même si ça n’a rien à voir avec l’histoire racontée dans le roman à proprement parler, le traitement réservé aux best-sellers dans la librairie Hyunam, et le succès du roman « Bienvenue à la librairie Hyunam ». En effet, Lee Yeong-ju, la libraire, décide dans un premier temps de ne pas mettre en avant les best-sellers dans sa librairie, puis finalement, de ne plus les vendre du tout :
Lorsqu’elle visite le rayon des best-sellers des grandes librairies, elle a l’impression de contempler un autoportrait difforme du marché de l’édition, la triste réalité d’un monde qui s’appuie sur les quelques livres qui se vendent le mieux. A qui la faute ? A personne. C’est simplement le reflet d’une culture où la lecture n’a plus sa place. Dans cette réalité-là, le devoir d’une librairie est d’offrir aux lecteurs un vaste choix. Faire savoir qu’il existe autre chose que des best-sellers, d’autres auteurs que ceux qui les ont écrits. Faire savoir qu’il existe une grande pluralité de livres et d’auteurs importants. Pour atteindre cet objectif, elle a décidé d’exclure les best-sellers de ses rayonnages.
p. 344-345
Ça m’a fait sourire puisque le livre étant un best-seller, fait-il lui aussi partie de cet autoportrait difforme ? J’ai compris, bien sûr, la volonté de la libraire (et le message de l’autrice), et j’adore ce type d’initiative, mais j’ai trouvé ça ironique et vraiment drôle, rétrospectivement.
Il est pour qui ce livre alors ?
Je le recommande à des personnes qui souhaitent une lecture tranquille, quelque chose de doux et lent qui prend son temps, et qui veulent s’évader ou se distraire calmement, sereinement. Bon, ça n’est pas mon cas, mais au vu du succès de « Bienvenue à la librairie Hyunam », il a l’air d’y en avoir beaucoup ! Donc si vous aimez les rythmes calmes, que vous ne souhaitez pas de violence, d’enquête, d’histoires déchirantes ou remplies de passion dévastatrice, ce livre est pour vous !
C’est noté ! Autre chose ?
Oui ! J’ai beaucoup aimé l’illustration de couverture, qui reflète très bien l’ambiance de la librairie, et à laquelle j’ai finalement été plus sensible qu’au livre lui-même. Elle a été dessinée par l’artiste Banzisu, qui vit à Séoul, et je trouve ses illustrations très jolies. Si vous souhaitez jeter un oeil à son travail, voici son site : https://girlsclub.asia/meet-the-artist/banzisu/ et son compte Instagram, sur lequel elle poste également son travail : https://www.instagram.com/banzisu/ (est-ce qu’il n’est pas magnifique ce chat ?!! Mais si !!).
Pour finir, le succès étant tel, Bloomsbury (la maison d’édition anglaise) a fait une version audio du roman (en anglais donc), à écouter ici :
Et pour les lecteurs francophones, vous pouvez retrouver les premières pages en lecture libre ici : Google Livres Bienvenue à la librairie Hyunam
Bonne lecture !


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