
Chut, c’est un secret ? Vos papiers svp 🥸
• Titre original : 마르타의 일
• Autrice : Seo Mi-ae
• Genre : thriller
• Parution : 2021 (Corée du Sud)
• Version française : Editions du Matin Calme, 2021 / Le Livre de Poche, 2022
• Traducteurs : Kwon Ji-hyun, Rémi Delmas
• Nombre de pages : 267
Si vous avez lu l’article sur « Bonne nuit Maman », et je ne doute pas que vous soyez assidus chers lecteurs et lectrices, vous savez déjà que « Chut, c’est un secret » est la suite de ce roman. « Bonne nuit Maman » a été publié en 2010 en Corée du Sud et « Chut, c’est un secret » en 2021. Il s’est donc écoulé 11 ans entre les deux tomes, Seo Mi-ae n’ayant pas prévu à la base de faire une suite à son premier opus. Mais l’engouement du public était tel qu’elle s’est finalement décidée à poursuivre l’histoire de ses personnages.
J’avais beaucoup aimé « Bonne nuit Maman », la description des personnages, l’ambiance, l’intrigue… J’étais donc particulièrement enthousiaste à l’idée d’entamer la suite. Mais ce tome 2 sera-t-il à la hauteur du tome 1 ?
Alors ?
Non.
Zut! Pourquoi ?
Je vous explique. On retrouve les personnages principaux de « Bonne nuit Maman », à savoir Seon-gyeong, la criminologue, Ha-yeong, sa belle-fille, et son mari, dont le nom m’échappe. On retrouve aussi certains des personnages secondaires, comme l’amie psychologue. Donc ça, c’est plutôt chouette. Quand on est attachés à des personnages, c’est génial de connaître la suite de leur histoire. Mais là où le bât blesse, pour moi, c’est le changement dans la personnalité de notre héroïne (je considère que c’est Seon-gyeong l’héroïne).
En effet, dans « Bonne nuit Maman », j’avais l’impression d’être face à une femme courageuse qui, malgré sa crainte et ses appréhensions, allait à la rencontre d’un tueur en série en prison pour lui faire passer des entretiens, et se battait même pour pouvoir les mener à bien. Son travail était important pour elle, et elle s’y investissait malgré les risques. En parallèle, elle tentait de tisser des liens avec sa belle-fille pendant une bonne partie du livre, jusqu’à ce qu’elle s’inquiète vis-à-vis d’elle, à raison d’ailleurs. Elle était tourmentée par tout un tas de questionnements intérieurs, qui alimentaient la psychologie de son personnage, et lui donnaient de la complexité. Dans « Chut, c’est un secret », je trouve que Seon-gyeong perd de son épaisseur. Alors, si vous avez lu « Bonne nuit Maman », vous me direz : en même temps, vu l’état dans lequel on la laisse à la fin de « Bonne nuit Maman », c’est normal qu’elle soit un peu ébranlée, et pas forcément au top de sa forme. Oui, je vous l’accorde. Mais j’ai retrouvé une femme qui, pour moi, n’est pas cohérente avec celle qu’elle était.
Pour vous résumer l’intrigue de « Chut, c’est un secret » : Seon-gyeong se remet petit à petit des événements antérieurs. Son mari lui annonce de but en blanc qu’ils vont déménager à la campagne, dans sa maison de famille. Il a décidé (seul) qu’il était temps pour eux de se mettre au vert car Seon-gyeong étant enceinte, elle doit être au calme. Seon-gyeong est un peu surprise mais accepte sans trop de difficultés, contrairement à Ha-yeong, qui prend le changement très mal. Son père lui annonce dans la foulée, et sans ménagement aucun, qu’elle va être grande sœur. Quand on connait la psychologie difficile de l’adolescente, on se dit que son père n’a vraiment pas de tact. Une fois sur place, Seon-gyeong s’installe dans une petite routine, entre peur de sa belle-fille, tentatives de cacher sa peur, réprimandes acerbes de son mari quasiment toujours absent à propos de sa peur concernant sa belle-fille, et promesses de conversations importantes qui n’arrivent jamais. En parallèle, on suit l’histoire d’Ha-yeong qui intègre un nouvel établissement scolaire, dont une élève a récemment disparu. Nous, lecteurs, savons ce qu’elle est devenue, mais Ha-yeong va le découvrir par hasard, et découvrir par extension son histoire, et ses liens avec ses camarades de classe. Elle va mener son enquête qui aboutira à une scène à la Hercule Poirot, de type « confrontation avec les coupables » (en moins belge et en plus violent). Elle lèvera aussi le voile petit à petit sur ses relations avec sa défunte mère, et comprendra le rapport de manipulation que son père entretient avec elle depuis qu’elle est petite. Voilà l’histoire, grosso modo, sans trop vous en révéler les détails.
Donc, ce qui est quand même chouette, c’est qu’on suit plus intensément l’histoire d’Ha-yeong et son cheminement. Par contre, et bien que ça puisse être cohérent avec son personnage, j’ai tout de même eu par moments l’impression que son comportement était un peu poussé à l’extrême, que le trait était forcé pour nous obliger à la trouver inquiétante, et pour rendre son évolution d’autant plus impressionnante. Ceci étant dit, on la suit avec intérêt, et son parcours permet d’aborder d’autres thématiques, comme le harcèlement scolaire, les rapports de force au sein d’une classe, et plus globalement, les problématiques adolescentes. On retrouve également le sujet des maltraitances au sein du noyau familial, envers les enfants principalement, mais aussi les conjoints. Avec Ha-yeong, on assiste à la naissance d’une jeune fille au caractère très bien trempé, qui devient progressivement plus en phase avec ses émotions et son rapport aux autres. Pour ce personnage, rien à dire, j’ai réussi à retrouver la palette d’émotions qui donne aux personnages de Seo Mi-ae leur profondeur.
Mais vous l’aurez compris, ce qui m’embête, moi, c’est Seon-gyeong. Alors oui, au début du roman, elle est choquée, oui, elle a besoin de temps pour se remettre. Ça, ok. Par contre, j’ai été agacée par sa passivité. Elle s’en remet totalement à son mari (qui prend plus d’importance dans ce second tome), alors qu’on voit clairement que lui, il n’est pas net. Et pourtant, Seon-gyeong le suit. Elle voit bien que les décisions de son mari sont irrationnelles, qu’il s’énerve pour un rien, qu’il l’accuse à tort, que quoi qu’elle lui dise, il ne la croit pas, la rabaisse, l’accuse, et pourtant, elle le suit. Franchement, j’ai eu l’impression de voir l’un de ces dramas qui traîne en longueur à force de malentendus et de non-dits. J’exagère un peu, c’est vrai, mais c’est tout de même ce que j’ai ressenti. Et ça m’a un peu déçue. Je n’ai pas retrouvé sa force de caractère, ni sa volonté de démêler le vrai du faux. J’ai eu l’impression qu’elle se questionnait, oui, mais que cela aboutissait toujours par : « elle se promit d’en parler avec son mari/avec Ha-yeong ». POINT. Et ça n’arrive jamais. Du coup, elle s’enlise dans une situation super inconfortable, jusqu’à ce que, coup de théâtre, elle tombe sur une preuve irréfutable d’un mauvais comportement de son mari, qui la force à agir (ça arrive p.231 sur 268…). Mais même après ça, je trouve qu’elle n’est plus force motrice, mais toujours un peu « suiveuse », et se retrouve dans une situation aussi critique qu’à la fin du tome 1, et est sauvée par la même personne (j’essaie de ne pas trop en dire, mais c’est dur). Ce qui était un retournement de situation plutôt impressionnant dans le tome 1 m’apparaît là comme un peu réchauffé.

Donc je comprends que le focus s’est déplacé de Seon-gyeong à Ha-yeong, mais malgré tout, j’ai eu du mal à retrouver le personnage auquel je m’étais attachée dans « Bonne nuit Maman », et cela m’a déçue. J’ai trouvé qu’il y avait des comportements du mari gros comme une maison, qui criaient « regarde, je suis vraiment super bizarre ouh ouh ! », mais Seon-gyeong le prenait vaguement en compte sans pour autant agir, et je n’ai pas trouvé cela cohérent avec la construction du personnage pendant le tome 1. Et c’est dommage, elle avait quand même un chouette caractère, cette femme.
Euh… Donc on lit ou pas ?
Je sais que je ne vais peut-être pas paraître cohérente non plus (après tout, je m’inspire des plus grandes), mais je vous conseille de lire, si vous avez aimé « Bonne nuit Maman ». En ce qui me concerne, j’avais tellement aimé ce livre que j’étais très curieuse de connaître la suite. Je suis contente de l’évolution du personnage d’Ha-yeong (même si certaines choses étaient plus ou moins attendues, je trouve que son caractère s’affirme, et qu’elle devient un beau personnage), et j’ai espoir dans le « réveil » de Seon-gyeong qui arrive à la fin de « Chut, c’est un secret ».
Tout ça pour dire que j’ai très envie de me mettre sous la dent le tome 3, et que je suis un peu frustrée car il est indiqué sur mon exemplaire de « Chut, c’est un secret » : « à paraître en 2022 ». Mais nous sommes en 2025, et point de tome 3 à l’horizon ! Sacrebleu ! Donc je fais mes petits pronostics toute seule dans mon coin, et j’ai tout de même hâte de le lire, ce dernier tome. Non pour connaître le fin mot de l’histoire, car nous le connaissons ou le devinons en ce qui concerne nos deux héroïnes, mais plutôt pour savoir ce qu’elles en font, de ce fin mot, et comment leur relation va évoluer. Car, malgré tout, ce qui fait la force de l’écriture de Seo Mi-ae, c’est sa capacité à rendre ses personnages si vivants que l’on s’inquiète pour eux, que l’on se réjouit de leurs découvertes et de leurs avancées, et que l’on s’agace de leur naïveté (grrr Seon-gyeong !). Alors nous quittons notre duo augmenté d’un bébé, de souvenirs traumatisants, de révélations en suspens, et de cette question, qui clôt le livre : « après tout, qui savait ce que réservait l’avenir ? » Justement, on aimerait bien le savoir !


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