
Ma vie palpitante ? Vos papiers svp 🥸
• Titre original : 두근두근 내인생
• Autrice : Kim Ae-ran
• Genre : récit de vie
• Parution : 2011 (Corée du Sud)
• Version française : Editions Picquier, 2014
• Traducteurs : Lim Yong-hee, Françoise Nagel
• Nombre de pages : 304
• Adptation en film en 2014
Née en 1980, en Corée du Sud, Kim Ae-ran débute sa carrière littéraire en 2002 avec la publication d’une nouvelle : La Porte du Silence. Recevant de nombreux prix littéraires, elle s’est imposée comme une autrice extrêmement populaire en Corée du Sud. Ma vie palpitante a été publié en 2011 en Corée du Sud, et en 2014 en France.
Pour une fois, j’ai beaucoup aimé le texte de quatrième de couverture. Je dis « pour une fois », parce que je trouve qu’il est assez rare que le texte, le résumé, donne vraiment envie de lire l’œuvre, et qu’il n’en dévoile ni trop, ni trop peu. Un peu comme les bandes-annonces de film en fait. D’ailleurs, ce texte s’avère être un extrait du prologue du livre, et permet d’avoir un aperçu du style :
« Mes parents avaient seize ans quand ils m’ont eu. J’ai eu seize ans cette année.
Je ne sais pas si je vivrai jusqu’à mes dix-huit ans. Je ne suis sûr que d’une chose : il me reste peu de temps. Pendant que les autres enfants grandissent, moi, je vieillis. Pour moi, chaque heure compte comme un jour. Chaque mois, comme une année. Aujourd’hui, je suis plus vieux que mon père.
Seize ans est-il un bon âge pour avoir un enfant ? Trente-deux ans est-il un bon âge pour le perdre ?
Ceci est l’histoire de très jeunes parents et de leur très vieil enfant. »
Ma vie palpitante, poumpoum poumpoum poumpoum
Le titre en coréen est : 두근두근 내인생. 내인생 signifie « ma vie » (merci Google hein, je n’en suis toujours qu’à quelques mois de cours de coréen, et j’essaie péniblement de retenir comment dire bonjour, merci, enchantée de vous rencontrer 😅). Le premier mot, 두근두근, se prononce (approximativement) « dougeundougeun », et se traduit par « palpitant, battre à la chamade », presque l’onomatopée d’un battement de cœur. Le titre est très bien traduit, mais je trouve que connaître la prononciation rajoute une dimension quasi sonore à la lecture de cette couverture, elle palpite réellement, au rythme d’un cœur qui bat dans ces pages. Car en effet, nous allons suivre la vie de Han Areum, un adolescent de 16 ans atteint d’une maladie extrêmement rare et incurable, la progéria (de son vrai nom syndrome de Hutchinson-Gilford, ou syndrome de Benjamin Button). Depuis l’âge de deux ans, cette maladie fait vieillir son corps et ses organes à la vitesse de l’éclair, et à 16 ans, son corps en a … 90.
Dès le début du livre, le ton est donné. On le sait condamné, il ne peut pas guérir. Nous suivons donc ses derniers mois de vie. Évoluant dans un monde d’adultes, il n’a pas d’ami de son âge, sa libido apparemment ne s’est pas manifestée, il ne va pas à l’école, ni au lycée, et ne peut pas faire d’activité, comme les autres jeunes. Son quotidien, c’est sa maison et l’hôpital. Autour de lui se trouve son voisin, dont il est très proche. C’est un monsieur déjà âgé, surnommé le Vieux Jang, qui vit avec son père, encore plus âgé, le Très Vieux Jang. A cet ami d’un autre âge, il se confie, interroge et le fait compagnon de ses états d’âme. Ses parents sont aussi à ses côtés. Adolescents lorsqu’ils ont eu Areum, ils entourent leur fils avec amour, et l’assistent autant qu’ils le peuvent. Areum est une sorte de synthèse entre des souvenirs d’enfant, des interrogations adolescentes, et des réflexions très matures. Sa curiosité et ses lectures l’ont poussé à amasser des mots, du vocabulaire, pour comprendre et expliquer le monde qui l’entoure. Riche d’un monde intérieur extrêmement brillant, ses préoccupations ne sont pas, ne peuvent pas être, celles d’un ado lambda.
La vie d’Areum bascule, ou plutôt tressaute, lorsqu’il décide de participer à une émission de télévision : La chaîne de l’espoir. Une équipe de télévision vient l’interviewer, le suivre dans son quotidien, afin de récolter des fonds pour son traitement hospitalier. Le but est donc de donner envie aux téléspectateurs de donner, mais l’équipe de télé est confiante : la maladie d’Areum est rare, et sa personnalité, bien marquée, l’émission sera un succès. Et effectivement. Les frais médicaux d’Areum sont couverts, un téléspectateur lui envoie une console de jeu, les messages de soutien affluent, mais surtout, il reçoit, pour la première fois de sa vie, un mail provenant… d’une fille ! Cette fille s’appelle Seo-ha. Elle est, elle aussi, atteinte d’une maladie grave. Et un échange épistolaire s’installe : Areum vit ses premiers émois. Envoi de paroles de musique, réflexions sur la vie, soutien pour lutter contre la déprime et la douleur, Areum et Seo-ha s’entraident dans ce quotidien ponctué par les séjours à l’hôpital. Les mails s’enchaînent, deviennent nécessaires, comme de petites lumières venant réchauffer le blanc des murs et atténuer le mal-être. Pour la première fois, Areum est en contact avec quelqu’un de son âge, une fille en plus, et qui vit plus ou moins le même quotidien que lui. Il se confie, il sent son cœur battre, il est amoureux.
Mais un jour, tout s’arrête. Seo-ha n’écrit plus. D’ailleurs, Seo-ha n’est pas une jeune ado malade, mais un homme de 35 ans. Areum se réfugie dans un jeu vidéo, Little Big Planet, qu’il va terminer en un temps record. Le mot « FIN » s’inscrit sur l’écran, il fond en larmes. Une page douloureuse se tourne. Devenu aveugle des suites de sa maladie, dans un état qui s’est encore aggravé, les mots même semblent l’abandonner. Dans son lit d’hôpital, secoué par les cauchemars, assommé par les médicaments, il reçoit une visite. Mais de qui ? Est-ce Seo-ha, ou la personne se faisant passer pour elle ? Areum monologue, exprime sa reconnaissance à cette personne qu’il ne verra jamais, mais dont il a perçu les contours malgré tout au travers des mails et des secrets échangés. Sans un mot, l’inconnu part. Cette nuit-là, Areum rêve, un rêve agréable pour une fois. Il se réveille en soins intensifs.
Les jours se succèdent, Areum sait qu’il n’a plus beaucoup de temps. Des semaines, des mois auparavant, il avait entamé la rédaction de l’histoire de ses parents au temps de leur adolescence, au moment de sa conception. Ce texte, il l’avait retouché, corrigé, supprimé, réécrit (à la demande de Seo-ha), et là, il est temps de le remettre à ses parents. Il demande à son père d’imprimer le texte (sans le lire !) depuis son ordinateur, et de revenir à son chevet avec sa mère. Son père s’exécute, avec une surprise : il a également reçu un mail de Seo-ha. Areum dicte une réponse, le chapitre Seo-ha se clôt. S’ouvre à présent celui du récit de l’histoire des parents d’Areum, à l’âge qu’il a actuellement. Assis à ses côtés, les parents lisent leur propre histoire. Areum écoute attentivement, aux aguets des rires, des sanglots, « Vous en êtes où ? A quel passage ? », et le livre s’achève sur ce récit.
Petite pause, je me mouche, et je reviens à vous
Oui, j’avoue, ce livre m’a beaucoup touchée. Pourtant, il n’est pas triste. Alors que, franchement, ça aurait pu être un livre extrêmement douloureux à lire, empreint de tristesse, de regrets (c’est toujours terrible une jeune personne qui va mourir, c’est révoltant, on se sent impuissant). Mais étrangement, ça n’est pas le cas. Oui, bien sûr, on éprouve de l’empathie pour ce personnage et ses proches. On est effectivement touché par son histoire, ses sentiments. Mais je trouve qu’il y a quelques chose d’extrêmement vivant chez Areum, dans son caractère, ses réflexions. Si vivant, que même si la maladie et la mort sont omniprésentes, on ne peut s’empêcher de sourire, et de vivre profondément au rythme d’Areum. On sourit devant les questions de l’adolescent, on revit à travers lui les premiers émois amoureux, on s’interroge avec lui sur le sens de l’existence. L’écriture à la première personne permet de faire corps avec lui, et de suivre précisément ses hésitations, ses joies, et bien sûr, ses douleurs. Le ton ne s’assombrit que sur le dernier quart du livre, et ça fonctionne extrêmement bien, car avec pudeur et une grande délicatesse, on suit le déclin physique d’Areum. Et la proximité avec le personnage est telle que l’on (enfin, en tout cas, moi) se sent terriblement touché par sa fin. Que l’on devine plus qu’on ne « voit », puisque le récit est à la première personne.
J’ai aussi été touchée par l’amour que se portent les personnages. La maladie est là, depuis longtemps, la mort est inéluctable. Mais Areum est un enfant aimé, choyé, respecté par toute sa famille, et son entourage. Personne ne lui manque de respect, ou ne lui reproche sa maladie, ou s’en moque. Ça peut paraître insignifiant, mais j’ai trouvé ça très apaisant. Les personnages acceptent la situation, et essaient de la traverser du mieux possible. La douleur est tangible, mais la joie et l’amour aussi. D’ailleurs, le récit de l’histoire des parents d’Areum, ces parents adolescents, permet d’apporter une autre dimension à l’histoire, de parler d’un temps antérieur, d’une rencontre entre une fille et un garçon qui se croisent comme par hasard. Par hasard, peut-être pas finalement. Peut-être que les arbres, les saisons, le vent, les poussent l’un vers l’autre, pour finalement donner naissance à la vie : « Le véritable été allait enfin commencer ».
Pour aller plus loin

« Ma vie palpitante » a été adapté en film en 2014 sous le titre « Ma vie géniale » (« My brilliant life » en anglais). Le film semble avoir remporté un joli succès en Corée du Sud, et à l’international.
Areum est interprété par le jeune comédien Jo Seong-mok, Gang Dong-on incarne Dae-soo, le père d’Areum, et Song Hye-kyo (qui joue dans The Glory, trop trop trop bien ce drama) incarne Mi-ra, sa mère.
L’un des gros enjeux du film était le maquillage du jeune comédien principal, afin que son vieillissement soit crédible. L’équipe est donc allée étudier le maquillage à Hollywood sous la direction de Greg Cannom, chef du département maquillage sur le film « L’Étrange Histoire de Benjamin Button ». Les techniques utilisées dans le film sont d’ailleurs adaptées de celles utilisées sur « Benjamin Button », et Jo Seong-mok avait 5h de maquillage chaque jour pour créer rides et tâches brunes.
Et enfin, si vous souhaitez vous plonger dans l’ambiance sonore des échanges épistolaires entre Areum et Seo-ha, voici les chansons que s’échangent les deux personnages :
Bonne lecture, et bonne écoute : « ceci est l’histoire de très jeunes parents et de leur très vieil enfant ».


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